Yann PERTUISEL
Le 1er RHC dans la guerre du Golfe
Le 2 août 1990 les forces irakiennes de Saddam HUSSEIN envahissent le Koweit. Le Conseil de sécurité autorise, le 29 novembre, « les États membres (…) à user de tous les moyens nécessaires » si l’Irak n’a pas quitté le Koweït avant le 15 janvier 1991. Le 17, après de multiples initiatives diplomatiques infructueuses, l’opération « Tempête du désert » commence par une campagne aérienne intensive.
Je viens tout juste de rendre le commandement de la 4e escadrille d’hélicoptères antichar du « Primus Primorum », le 1er RHC, et j’ai déjà vu partir quelques-uns de mes pilotes et mécaniciens mi-août pour renforcer le 5e RHC qui a été envoyé dans le Golfe avec le porte-avions Clémenceau. Alors que j’ai rejoint l’état-major du régiment comme « rédacteur », et que la tension monte dans la péninsule arabique, je suis désigné pour organiser l’embarquement du 1er RHC sur le TCD La Foudre à Toulon. Nous sommes à quelques jours de Noël et je dois donc quitter précipitamment mon épouse et mes trois enfants dans une période peu « propice » à ce genre de départ…
La mission consiste à faire entrer sur le bateau, dont ce sera la première mission opérationnelle, une cinquantaine d’hélicoptères et les trains de combat du régiment, c’est-à-dire plusieurs dizaines de véhicules de tous types. Autant dire une véritable gageure, en particulier s’agissant des hélicoptères puisque La Foudre, bien qu’étant un tout nouveau type de TCD, n’est absolument pas dimensionné pour accueillir autant d’appareils simultanément. Mais qu’à cela ne tienne, nous sommes français et bien connus pour notre capacité d’adaptation et notre système « D ».
Immédiatement le courant passe très bien avec le personnel du bâtiment, dont le Pacha et son second, ainsi que le responsable AVIA pour la partie aéro. Avant l’arrivée des machines, le plan d’embarquement théorique est finalisé et surtout l’ordre de mise à bord des appareils est établi. Le moindre grain de sable et tout peut s’enrailler et avoir de lourdes conséquences. Au « chausse-pied », hélicoptères GAZELLE et PUMA sont embarqués avec les véhicules (1). Plus aucun espace n’est disponible sur le bateau, pas le moindre recoin. Le radier est plein à craquer et tous les ponts sont occupés, pales repliées et rotors engrenés. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles et assumées par chacun… On n’a sans doute jamais vu ça de mémoire de béret bleu (ni de marin) et je ne suis pas peu fier d’avoir participé à ce beau résultat (pour ne pas dire exploit).
La mission consiste à faire entrer sur le bateau, dont ce sera la première mission opérationnelle, une cinquantaine d’hélicoptères et les trains de combat du régiment, c’est-à-dire plusieurs dizaines de véhicules de tous types. Autant dire une véritable gageure, en particulier s’agissant des hélicoptères puisque La Foudre, bien qu’étant un tout nouveau type de TCD, n’est absolument pas dimensionné pour accueillir autant d’appareils simultanément. Mais qu’à cela ne tienne, nous sommes français et bien connus pour notre capacité d’adaptation et notre système « D ».
Immédiatement le courant passe très bien avec le personnel du bâtiment, dont le Pacha et son second, ainsi que le responsable AVIA pour la partie aéro. Avant l’arrivée des machines, le plan d’embarquement théorique est finalisé et surtout l’ordre de mise à bord des appareils est établi. Le moindre grain de sable et tout peut s’enrailler et avoir de lourdes conséquences. Au « chausse-pied », hélicoptères GAZELLE et PUMA sont embarqués avec les véhicules (1). Plus aucun espace n’est disponible sur le bateau, pas le moindre recoin. Le radier est plein à craquer et tous les ponts sont occupés, pales repliées et rotors engrenés. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles et assumées par chacun… On n’a sans doute jamais vu ça de mémoire de béret bleu (ni de marin) et je ne suis pas peu fier d’avoir participé à ce beau résultat (pour ne pas dire exploit).
Le 29 décembre nous appareillons pour une semaine de mer à destination du port de Yanbu. Nous sommes plus de 500 à avoir embarqué pour ce voyage, provenant d’une cinquantaine de formations de l’armée de Terre et des services aux ordres de notre chef, le colonel HOTIER. Un véritable patchwork de bérets. La traversée est mise à profit pour faire la cohésion du « 1er RHC Daguet » et parfaire notre formation, en particulier au danger NBC. On est donc loin de « la croisière s’amuse ». Quel spectacle de voir chacun se presser, voire se bousculer, pour suivre les cours dispensés pour faire face au danger chimique alors qu’en temps normal en unité ce ne sont pas forcément les plus prisés… Il faut quasiment prendre un ticket pour avoir une place. Vêtements de protection, procédures de décontamination, utilisation de la seringue d’atropine, comprimés de pyridostigmine, plus rien n’aura de secret dans ce domaine pour nous.
Le canal de Suez franchi, nous arrivons à Yanbu le 5 janvier. Après avoir tant bien que mal réussi à embarquer les hélicos, il faut maintenant les débarquer, et si possible sans casse. C’est chose faite en sens inverse avec autant de méthode et de professionnalisme. Direction maintenant la zone de déploiement initial située à plus de 1000 kilomètres à l’est, à la cité du roi Khaled (CRK). Je suis désigné pour y conduire le convoi routier. Quel souvenir que cette traversée de paysages lunaires complètement désertiques avec des images en tête de Laurence d’Arabie… C’est au cours de ce transit et alors que nous faisons une étape que nous apprenons par RFI que l’ultimatum posé aux Irakiens est tombé et que c’est donc la GUERRE ! Nos regards se croisent et nos silences en disent long. Nous voilà entrés dans l’inconnu avec tous ses dangers, dont la hantise de chacun : l’utilisation par les Irakiens des armes de destruction massive dont on ne fait que parler sans trop savoir ce qu’il en est.
La cité du roi Khaled, une place militaire au milieu de nulle part, en plein désert. On se croirait dans un décor de la Guerre des étoiles. Là, nous y côtoyons pleins d’autres armées de la coalition, en particulier au moment des repas pris dans d’immenses self-services. Les repas heureusement sont variés : un jour poulet-riz et le lendemain riz-poulet (2)…
La montée en puissance de la division Daguet se poursuit après notre déploiement près de Rafha dans la zone OLIVE, non loin de la frontière avec l’Irak. Nous y enchaînons les exercices qui vont nous préparer à l’engagement. Pour cela, nous mettons en pratique les nouveaux procédés de combat mis au point par nos camarades du 5e RHC que nous allons relever avec le 3e RHC. Le théâtre d’opérations s’apparente plus à un vaste océan de sable, quasiment sans aucun repère et sans comparaison avec nos espaces de « jeu » habituels de centre-Europe. L’emploi de nos calculateurs autonomes doppler NADIR et des premiers GPS sur les GAZELLE reco et canon, s’avère indispensable et même incontournable. Des escadrilles mixtes sont constituées, agrégeant GAZELLE HOT et canon, ainsi qu’un PUMA chargé de récupérer les équipages abattus. Pour cela, ce sont nos camarades mécaniciens qui sont en soute, prêts à bondir pour nous extraire des appareils sous l’appui feu des GAZELLE canon. La tactique consiste à s’infiltrer en colonne jusqu’à un point tournant initial à une dizaine de kilomètres de l’objectif pour prendre un cap d’attaque en ligne, appareils en vol tactique à 120 km/h espacés d’une centaine de mètres les uns des autres. À quatre kilomètres estimés (nous n’avons pas à cet époque de télémétrie), sur ordre le feu est ouvert par chaque appareil dans son secteur de tir et à deux kilomètres chacun engage son esquive à 180° « plein badin » pour se retrouver sur une zone de regroupement. C’est la charge de la cavalerie de Murat. En tant qu’ancien fantassin, j’avais plutôt l’habitude de monter à l’assaut en courant…
Les mécanismes sont ainsi rodés jour après jour, avec les alertes à répétition des missiles balistiques SCUD qui nous obligent jour et nuit à chaque fois, et sans savoir si ce sera pour nous, à rejoindre les emplacements de combat enterrés que chacun a creusé. Et on a creusé comme peut-être jamais. La pelle-pioche n’a jamais été, elle aussi (comme les équipements NBC), autant chérie par tous, grande première sans doute pour des pilotes de l’ALAT…
Le froid ne nous épargne pas non plus, ce qui n’a pas été sans nous étonner, puisque nous étions pourtant en plein désert. Mais fort heureusement nous avons vu arriver des chauffages d’appoint pour pouvoir durer dans de meilleures conditions. Vents de sable et pluie n’ont eux aussi pas été absents et ont rythmé les jours nous séparant du déclenchement de l’opération terrestre. Au-dessus de nos têtes passaient sans cesse à haute altitude des avions qui allaient frapper les forces irakiennes dans la profondeur et nous entendions dans le lointain le grondement des bombardements.
La sécurité des plots d’escadrilles, largement dispersés pour se prémunir de frappes d’artillerie très longue portée, est assurée à la fois par des camarades légionnaires et du 1er RI qui nous renforcent, mais là encore aussi par nos fidèles mécanos et personnel de soutien, chacun à son emplacement de combat derrière son armement collectif. Le démontage et remontage de la mitrailleuse 12,7 n’avait plus aucun secret pour nous…
La montée en puissance de la division Daguet se poursuit après notre déploiement près de Rafha dans la zone OLIVE, non loin de la frontière avec l’Irak. Nous y enchaînons les exercices qui vont nous préparer à l’engagement. Pour cela, nous mettons en pratique les nouveaux procédés de combat mis au point par nos camarades du 5e RHC que nous allons relever avec le 3e RHC. Le théâtre d’opérations s’apparente plus à un vaste océan de sable, quasiment sans aucun repère et sans comparaison avec nos espaces de « jeu » habituels de centre-Europe. L’emploi de nos calculateurs autonomes doppler NADIR et des premiers GPS sur les GAZELLE reco et canon, s’avère indispensable et même incontournable. Des escadrilles mixtes sont constituées, agrégeant GAZELLE HOT et canon, ainsi qu’un PUMA chargé de récupérer les équipages abattus. Pour cela, ce sont nos camarades mécaniciens qui sont en soute, prêts à bondir pour nous extraire des appareils sous l’appui feu des GAZELLE canon. La tactique consiste à s’infiltrer en colonne jusqu’à un point tournant initial à une dizaine de kilomètres de l’objectif pour prendre un cap d’attaque en ligne, appareils en vol tactique à 120 km/h espacés d’une centaine de mètres les uns des autres. À quatre kilomètres estimés (nous n’avons pas à cet époque de télémétrie), sur ordre le feu est ouvert par chaque appareil dans son secteur de tir et à deux kilomètres chacun engage son esquive à 180° « plein badin » pour se retrouver sur une zone de regroupement. C’est la charge de la cavalerie de Murat. En tant qu’ancien fantassin, j’avais plutôt l’habitude de monter à l’assaut en courant…
Les mécanismes sont ainsi rodés jour après jour, avec les alertes à répétition des missiles balistiques SCUD qui nous obligent jour et nuit à chaque fois, et sans savoir si ce sera pour nous, à rejoindre les emplacements de combat enterrés que chacun a creusé. Et on a creusé comme peut-être jamais. La pelle-pioche n’a jamais été, elle aussi (comme les équipements NBC), autant chérie par tous, grande première sans doute pour des pilotes de l’ALAT…
Le froid ne nous épargne pas non plus, ce qui n’a pas été sans nous étonner, puisque nous étions pourtant en plein désert. Mais fort heureusement nous avons vu arriver des chauffages d’appoint pour pouvoir durer dans de meilleures conditions. Vents de sable et pluie n’ont eux aussi pas été absents et ont rythmé les jours nous séparant du déclenchement de l’opération terrestre. Au-dessus de nos têtes passaient sans cesse à haute altitude des avions qui allaient frapper les forces irakiennes dans la profondeur et nous entendions dans le lointain le grondement des bombardements.
La sécurité des plots d’escadrilles, largement dispersés pour se prémunir de frappes d’artillerie très longue portée, est assurée à la fois par des camarades légionnaires et du 1er RI qui nous renforcent, mais là encore aussi par nos fidèles mécanos et personnel de soutien, chacun à son emplacement de combat derrière son armement collectif. Le démontage et remontage de la mitrailleuse 12,7 n’avait plus aucun secret pour nous…
Le 21 février, trois jours avant l’offensive, nous serons les premiers à franchir la ligne de débouché pour des reconnaissances préalables. La tension est à son maximum dans chaque appareil et nous espérons en particulier qu’il n’y aura pas de méprise à notre retour car les Irakiens sont aussi équipés de GAZELLE que la France a fournies il y a quelques années. Pour cela, et comme pour le débarquement de 1944, des bandes blanches ont été peintes sur la queue des appareils.
Aucun signe de présence d’unités ennemies enterrées sur la ligne de débouché quand, soudain, dans les lunettes d’observation nous distinguons des antennes radar à plusieurs kilomètres. Le renseignement est immédiatement transmis au PC Daguet qui déclenche dans la foulée une frappe aérienne. Cette fois ci, c’est bien parti pour nous.
Aucun signe de présence d’unités ennemies enterrées sur la ligne de débouché quand, soudain, dans les lunettes d’observation nous distinguons des antennes radar à plusieurs kilomètres. Le renseignement est immédiatement transmis au PC Daguet qui déclenche dans la foulée une frappe aérienne. Cette fois ci, c’est bien parti pour nous.
24 février, 6H00, « G DAY ». Ça y est, nous y sommes pour de bon. Un peu moins d’une heure avant, un dernier besoin naturel et un pied dedans : il parait que ça porte bonheur, pourvu que cela se vérifie.
J’embarque en place gauche de la GAZELLE de commandement avec le pilote à ma droite et le chef de corps en place arrière pour conduire l’engagement au plus près, « à la voix et au geste ». C’est un véritable « HL PC ». Calé dans mon siège blindé, mon rôle, au centre de la ligne d’attaque, sera d’estimer à la lunette d’observation les distances par rapport aux objectifs et de donner les ordres de tir et d’esquive. Au moment où nous nous apprêtons à décoller, et alors que le jour se lève, le colonel nous annonce à la radio « que la force soit avec vous » ! Décidément, cette guerre des étoiles…
Le spectacle est hallucinant ! Nous franchissons la ligne d’engagement correspondant à un escarpement important baptisé NATCHEZ pour arriver sur un vaste plateau. À gauche et à droite, de part et d’autre de la MSR TEXAS, l’axe qui conduit jusqu’à As-Salman, et à perte de vue, chars AMX30, AMX10RC et VAB en bataille foncent à toute allure vers leurs objectifs, dégageant de grands panaches de poussière. Derrière nous, l’artillerie a commencé son pilonnage des positions irakiennes. On se croirait dans un film de guerre digne des plus grandes productions hollywoodiennes, mais il n’en est rien. Tout ça est bien réel et nous sommes en train de le vivre, nous en sommes les acteurs. Nous comprenons alors pourquoi depuis des années nous nous entraînons : pour la guerre.
La radio est très peu utilisée et beaucoup de choses se font au NADIR/cap/montre, comme prévu dans les ordres initiaux, selon des mécanismes bien rodés. La première attaque se met en place pour nous. Comme à l’exercice, les actions s’enchaînent. Mais là c’est bien réel et avec des tirs. Alors que nous sommes en train de nous mettre en place en file indienne pour aborder par l’arrière l’objectif qui nous est assigné, nous voyons sur notre gauche les canons des AMX30 cracher leurs flammes. Le cap d’attaque est pris et tous les chefs de bord ont l’œil rivé sur la lunette, cherchant le moindre monticule au-dessus du sol, un merlon derrière lequel serait embossé un T55. Ça y est, j’estime que les quatre kilomètres sont là et je déclenche l’ouverture du feu à l’initiative de chacun dès que les objectifs sont repérés. Alors que nous voyons les derniers coups de notre artillerie tomber sur l’objectif, nos missiles HOT partent en salves de part et d’autre de notre GAZELLE située au centre de la ligne d’attaque et légèrement en retrait pour avoir une vue d’ensemble. Spectacle incroyable, jamais vu et bien loin de celui du « Grand plan » du camp de Canjuers pendant les campagnes de tir d’entraînement. Le sol défile moins de cinq mètres sous nos patins et la ligne fatidique des deux kilomètres approche. C’est la ligne de « mort », celle à partir de laquelle nous sommes à portée des armes à tir tendu de l’ennemi. L’ordre est donné d’esquiver et les appareils les uns après les autres virent brutalement cap inverse à pleine vitesse, tirant leurs leurres thermiques afin de brouiller tout missile menaçant. C’est un véritable feu d’artifice de paillettes de magnésium qui illuminent le champ de bataille. J’ai du mal à réaliser, sans doute comme tous mes camarades. Retour au calme sur le plot pour recompléter et échanger nos premières impressions de combat.
J’embarque en place gauche de la GAZELLE de commandement avec le pilote à ma droite et le chef de corps en place arrière pour conduire l’engagement au plus près, « à la voix et au geste ». C’est un véritable « HL PC ». Calé dans mon siège blindé, mon rôle, au centre de la ligne d’attaque, sera d’estimer à la lunette d’observation les distances par rapport aux objectifs et de donner les ordres de tir et d’esquive. Au moment où nous nous apprêtons à décoller, et alors que le jour se lève, le colonel nous annonce à la radio « que la force soit avec vous » ! Décidément, cette guerre des étoiles…
Le spectacle est hallucinant ! Nous franchissons la ligne d’engagement correspondant à un escarpement important baptisé NATCHEZ pour arriver sur un vaste plateau. À gauche et à droite, de part et d’autre de la MSR TEXAS, l’axe qui conduit jusqu’à As-Salman, et à perte de vue, chars AMX30, AMX10RC et VAB en bataille foncent à toute allure vers leurs objectifs, dégageant de grands panaches de poussière. Derrière nous, l’artillerie a commencé son pilonnage des positions irakiennes. On se croirait dans un film de guerre digne des plus grandes productions hollywoodiennes, mais il n’en est rien. Tout ça est bien réel et nous sommes en train de le vivre, nous en sommes les acteurs. Nous comprenons alors pourquoi depuis des années nous nous entraînons : pour la guerre.
La radio est très peu utilisée et beaucoup de choses se font au NADIR/cap/montre, comme prévu dans les ordres initiaux, selon des mécanismes bien rodés. La première attaque se met en place pour nous. Comme à l’exercice, les actions s’enchaînent. Mais là c’est bien réel et avec des tirs. Alors que nous sommes en train de nous mettre en place en file indienne pour aborder par l’arrière l’objectif qui nous est assigné, nous voyons sur notre gauche les canons des AMX30 cracher leurs flammes. Le cap d’attaque est pris et tous les chefs de bord ont l’œil rivé sur la lunette, cherchant le moindre monticule au-dessus du sol, un merlon derrière lequel serait embossé un T55. Ça y est, j’estime que les quatre kilomètres sont là et je déclenche l’ouverture du feu à l’initiative de chacun dès que les objectifs sont repérés. Alors que nous voyons les derniers coups de notre artillerie tomber sur l’objectif, nos missiles HOT partent en salves de part et d’autre de notre GAZELLE située au centre de la ligne d’attaque et légèrement en retrait pour avoir une vue d’ensemble. Spectacle incroyable, jamais vu et bien loin de celui du « Grand plan » du camp de Canjuers pendant les campagnes de tir d’entraînement. Le sol défile moins de cinq mètres sous nos patins et la ligne fatidique des deux kilomètres approche. C’est la ligne de « mort », celle à partir de laquelle nous sommes à portée des armes à tir tendu de l’ennemi. L’ordre est donné d’esquiver et les appareils les uns après les autres virent brutalement cap inverse à pleine vitesse, tirant leurs leurres thermiques afin de brouiller tout missile menaçant. C’est un véritable feu d’artifice de paillettes de magnésium qui illuminent le champ de bataille. J’ai du mal à réaliser, sans doute comme tous mes camarades. Retour au calme sur le plot pour recompléter et échanger nos premières impressions de combat.
Les attaques vont ainsi s’enchaîner pendant deux jours sur « Rochambeau » et « Chambord ». Les ordres seront donnés depuis notre GAZELLE de commandement ou du plus traditionnel PUMA PC. PUMA PC d’ailleurs qui, se posant sur une nouvelle position pour déployer les antennes, mettra, sans s’en être aperçu, sa roulette de nez à quelques centimètres d’une cluster bomb qui aurait pu quasiment le retourner comme une crêpe ; merci Sainte Clotilde…
Les anecdotes ne manquent pas et pour en citer une autre, bien emblématique de la « débrouillardise » et du sens de la mission qui caractérisent nos équipages, j’évoquerai celle de ce jeune officier chef de bord dont le canon de 20 s’enraye et qui sort alors son FAMAS par la fenêtre pour faire feu sur une position irakienne avant d’y lancer une grenade.
Arrêtons-nous aussi également sur un aspect parfois méconnu de cet engagement et sur un rôle inédit tenu par notre bon vieux radar d’approche SPARTIATE. En effet, compte tenu du terrain plat désertique, on s’aperçut que le radar avait une capacité intéressante de détecter des mouvements au sol. Mission lui a alors été confiée de participer au renseignement dans la profondeur, en complément des autres moyens spécifiquement dédiés.
Le 27 février arriva avec le cessez-le-feu qui fit naître un grand soulagement pour tous. 65 HOT avaient été tirés et 56 objectifs traités pour le régiment. Mais les opérations étaient loin d’être terminées puisque nous allions devoir assurer la couverture ouest de nos amis américains. Les reconnaissances allaient alors se multiplier au fil des jours pour contrôler le vaste espace désertique qui nous était assigné quasiment jusqu’à l’Euphrate. Depuis notre zone de stationnement dénommée « Fennec City », nous allons ainsi rayonner pendant plusieurs semaines.
Les anecdotes ne manquent pas et pour en citer une autre, bien emblématique de la « débrouillardise » et du sens de la mission qui caractérisent nos équipages, j’évoquerai celle de ce jeune officier chef de bord dont le canon de 20 s’enraye et qui sort alors son FAMAS par la fenêtre pour faire feu sur une position irakienne avant d’y lancer une grenade.
Arrêtons-nous aussi également sur un aspect parfois méconnu de cet engagement et sur un rôle inédit tenu par notre bon vieux radar d’approche SPARTIATE. En effet, compte tenu du terrain plat désertique, on s’aperçut que le radar avait une capacité intéressante de détecter des mouvements au sol. Mission lui a alors été confiée de participer au renseignement dans la profondeur, en complément des autres moyens spécifiquement dédiés.
Le 27 février arriva avec le cessez-le-feu qui fit naître un grand soulagement pour tous. 65 HOT avaient été tirés et 56 objectifs traités pour le régiment. Mais les opérations étaient loin d’être terminées puisque nous allions devoir assurer la couverture ouest de nos amis américains. Les reconnaissances allaient alors se multiplier au fil des jours pour contrôler le vaste espace désertique qui nous était assigné quasiment jusqu’à l’Euphrate. Depuis notre zone de stationnement dénommée « Fennec City », nous allons ainsi rayonner pendant plusieurs semaines.
Pendant cette période, nous allions retrouver un certain « art de vivre » à la française, et en particulier améliorer l’ordinaire de nos rations de combat avec les nombreux colis sous lesquels nous croulions grâce à l’immense élan de générosité de tous nos concitoyens et à la Poste aux armées. Et là encore, les astucieux Gaulois que nous sommes allaient faire preuve de plein d’imagination pour contourner les interdictions de nos hôtes saoudiens, dont l’alcool bien sûr. Ce sera par exemple du bordeaux dissimulé dans des boîtes de « pseudo » tomates en conserve ou encore notre bonne vieille liqueur de quetsches de Lorraine conditionnée dans des poches de sérum physiologique… Mais le capitaine américain officier de liaison auprès du régiment n’y touchera jamais, tout comme au foie gras reçu de France, préférant son beurre de cacahuètes, ses pains de guerre et son Coca… Et puis ces douches de campagne qui nous sont enfin livrées et nous offrent un moment sublime de bonheur après des semaines de « petites toilettes » parfois brutalement interrompues elles aussi par une alerte SCUD.
Pour finir, le 1er RHC, renforcé d’une compagnie du 2e RIMa, sera la dernière unité à rester en Irak sous OPCON américain pour contrôler cette partie du territoire où les nombreux réfugiés fuyant les exactions du régime de Saddam Hussein allaient affluer. Avec les fortes chaleurs qui étaient revenues, les « French Marines » travailleront régulièrement avec les APACHE, BLACKHAWK et autres OH58, forçant l’admiration de nos amis d’outre-Atlantique avec nos « petits » moyens.
C’est le 25 avril que le régiment reprendra la route maritime du retour avec le TCD Ouragan et deux autres navires marchands. Après une semaine de mer, Toulon sera atteint et le « 1er RHC Daguet » sera dissous à Phalsbourg quelques jours plus tard.
Yann PERTUISEL
(1) Une autre partie sera embarquée sur un navire marchand de type RoRo
(2) J’apprends à cette occasion que la France est un des principaux exportateurs de poulets en Arabie Saoudite.
C’est le 25 avril que le régiment reprendra la route maritime du retour avec le TCD Ouragan et deux autres navires marchands. Après une semaine de mer, Toulon sera atteint et le « 1er RHC Daguet » sera dissous à Phalsbourg quelques jours plus tard.
Yann PERTUISEL
(1) Une autre partie sera embarquée sur un navire marchand de type RoRo
(2) J’apprends à cette occasion que la France est un des principaux exportateurs de poulets en Arabie Saoudite.