CRASH DE DJINN EN AFN, PAR RÉMI LAPLACE
Au mois de novembre 1959, une opération de grande envergure est déclenchée contre une forte concentration de rebelles au sud de Sidi-Bel-Abbès, région du Telagh. Un hélicoptère doit être mis à la disposition du général commandant la division.
Un détachement est constitué et part le 1er novembre. Rémi, au volant de son camion et avec tout le matériel, part avec un convoi de troupes. L'hélicoptère, avec le maréchal des logis-chef KOEBERLÉ, pilote et l'adjudant DELESSE, mécanicien, rejoint le point de regroupement par la voie des airs.
Hébergement au Telagh, le DJINN FR 102 est mis à l'abri de nuit dans un hangar à côté du camp de prisonniers.
Les opérations commencent, elles doivent durer un mois. La première semaine se passe en missions diverses avec le pilote et le mécanicien ; Rémi restant au Telagh ou, selon les ordres, rejoignant avec son camion un poste de commandement (PC) plus avancé.
En opération, il faut mettre les bouchées doubles. Il n'y a pas d'appareil de rechange et le DJINN doit toujours être prêt pour toute intervention, en particulier les EVASAN (évacuation sanitaire).
En Afrique du Nord, les opérations d'entretien sont plus détaillées et plus fréquentes qu'en métropole.
On comprend pourquoi : la chaleur, le sable présent au sol et dans l'air, balayé par le rotor de l'hélicoptère qui porte bien son surnom de "ventilateur".
Les visites périodiques des 100 h sont ramenées à 50 h, celles de 25 h à 5 h ; c'est donc quotidiennement ou presque qu'il faut faire une visite, en plus des contrôles avant et après les vols.
Aussi, pilote, mécanicien et aide-mécanicien ne comptent pas leur temps.
Le 7 novembre, deux évacuations sanitaires ont eu lieu le matin, l'appareil est rentré vers midi. Une visite de 25 heures est programmée en début d'après-midi, afin d'être prêt en cas d'urgence.
Les deux mécaniciens se mettent au travail, le pilote ayant volé toute la matinée prend un peu de repos. Il est 16 h 30. L'appareil est prêt, tout propre, tout fringant. Rémi voit l'appareil photo de DELESSE dans le filet du DJINN. "Pouvez-vous me prendre en photo", demande-t-il à celui-ci. Chose faite : deux clics, Rémi pourra envoyer ces photos à ses parents, lui qui, la veille encore, effectuait un vol avec KOEBERLÉ (photo n° 6).
Crash ...
La visite périodique des 25 h étant terminée, un vol d'essai doit être effectué.
Pilote et mécanicien montent dans l'appareil, se sanglent, coiffent leur casque radio.
Rémi, lui, se place devant l'appareil et veille au bon déroulement de la mise en route et du décollage. Toute anomalie, qu'il est en mesure de signaler, entraîne de nouvelles vérifications.
La turbine est mise en route, le rotor commence à tourner, tout semble normal. La turbine passe progressivement à 14 000 t/mn, puis 30 000 t/mn, le rotor à 250 t/mn, puis 300 t/mn ; Rémi se déplace légèrement vers la gauche de l'appareil.
34 000 t/mn turbine, 340 t/mn rotor, un peu de manche, le DJINN décolle du sol, s'élève de quelques mètres, se cabre légèrement pour partir en translation, et ... c'est le drame !
Dans la cabine, les deux occupants, ont ressenti une importante vibration qui a duré quelques secondes ; le DJINN s'écrase au sol, une violente explosion retentit, le rotor se détache, monte à quelques mètres, et retombe ... sur Rémi qui est projeté au sol. Il gît, inconscient.
Pilote et mécanicien ont eu leurs casques et coiffes radios arrachés par les masselottes qui ont labouré le cockpit. Instinctivement, ils débouclent leur ceinture, et s'éjectent hors de l'appareil.
Tout a été si rapide, si brutal, qu'ils sont là, hébétés, regardant leur mécanicien sans connaissance.
L'explosion a été entendue de loin. Les gendarmes arrivent en premier, appellent une ambulance et, aidés de quelques témoins militaires proches, évacuent Rémi sur l'infirmerie du Telagh. La base de Sidi-Bel-Abbès a été prévenue par la gendarmerie et envoie une BANANE pour l'évacuation. Rémi, qui a repris connaissance, trouvera le temps bien long ...
À l'Hôpital civil de Sidi-Bel-Abbès où Rémi est transporté, le diagnostic est sévère : éclatement du foie. Il faudra attendre plusieurs jours avant l'intervention chirurgicale et le séjour dans cet hôpital durera un mois, avant qu'il soit déplacé à l'hôpital militaire de Sidi-Bel-Abbès.
Cause de l'accident.
Dans tous les accidents aériens, les commissions d'enquête sont rapidement sur les lieux. Cependant, les chefs doivent veiller à ce qu’aucune pièce ou débris d'appareil ne soit déplacé, tout en interrogeant "à chaud" les témoins de l'accident.
Dans les heures qui suivent, en même temps qu'arrive la BANANE qui évacuera Rémi, un SIKORSKY amène cette commission d'enquête. Elle est constituée de spécialistes du Matériel. Parmi eux, un aspirant rappelé, qui travaille à Sud-Aviation et connaît bien ce type d'appareil, interroge DELESSE. Sa conclusion est rapide et sans appel :
Dans la description de l'appareil, nous avons dit que le mouvement du rotor était produit comme dans un arroseur d'eau : l'air sortant en bout de pale provoque une réaction qui fait tourner l'ensemble rotatif.
C’est simple, il fallait y penser. Nos ingénieurs de Sud-Aviation l'ont fait.
Dans notre cas, il y a eu rupture de longeronnet (9) à son extrémité. La pale est constituée de caissons enfilés sur ce longeronnet. Ces caissons, par la force centrifuge, ont été projetés dans un cercle de 50 à 100 m. On les retrouve à cette distance, tout autour de l'appareil.
La pale, déséquilibrée, a coupé le fuselage arrière du DJINN, le rotor s'est arraché, provoquant une explosion de genre sonique (l'air fourni par la turbine passant par un venturi sonique).
C'était le crash inévitable.
La commission a rendu son rapport. Mais la suite à donner est toujours longue. Il a fallu un autre accident, avec deux morts, pour qu'une modification importante soit apportée sur la structure des pales.
En attendant le résultat d'enquête, les vols sur DJINN ont été suspendus et l'équipage a été affecté à des missions sur avion.
Après le crash ...
Rémi, à l'Hôpital civil de Sidi-Bel-Abbès depuis un mois, se remet lentement de son opération et de ses émotions. Il est ensuite transféré à l'Hôpital militaire, toujours à Sidi-Bel-Abbès. Il y restera deux semaines. Son état étant relativement bon, les médecins décident de l'envoyer en convalescence dans sa famille, en Savoie. L’air y étant meilleur qu'en Algérie, les fêtes de Noël approchant, 45 jours avec les siens ne lui feront que du bien. Croyez-vous que Rémi a été réformé après toutes ces péripéties ? Eh bien, non ! Il lui fallu retourner à la base, refaire un mois à l'hôpital militaire, et être de nouveau affecté à la base ALAT au service habillement.
Libéré le 1er Juillet 1960, malgré son accident, il a fait ses 28 mois d'Algérie !
Revenu à la vie civile, il a repris son métier d'agriculteur, a pris sa pré-retraite à 55 ans. Marié, père 6 enfants et de deux petits-enfants, il profite à plein de sa retraite, entre toute sa famille, son jardin, son bois et sa vigne.
Photos d'accidents, dont celui du FR 102.
Un détachement est constitué et part le 1er novembre. Rémi, au volant de son camion et avec tout le matériel, part avec un convoi de troupes. L'hélicoptère, avec le maréchal des logis-chef KOEBERLÉ, pilote et l'adjudant DELESSE, mécanicien, rejoint le point de regroupement par la voie des airs.
Hébergement au Telagh, le DJINN FR 102 est mis à l'abri de nuit dans un hangar à côté du camp de prisonniers.
Les opérations commencent, elles doivent durer un mois. La première semaine se passe en missions diverses avec le pilote et le mécanicien ; Rémi restant au Telagh ou, selon les ordres, rejoignant avec son camion un poste de commandement (PC) plus avancé.
En opération, il faut mettre les bouchées doubles. Il n'y a pas d'appareil de rechange et le DJINN doit toujours être prêt pour toute intervention, en particulier les EVASAN (évacuation sanitaire).
En Afrique du Nord, les opérations d'entretien sont plus détaillées et plus fréquentes qu'en métropole.
On comprend pourquoi : la chaleur, le sable présent au sol et dans l'air, balayé par le rotor de l'hélicoptère qui porte bien son surnom de "ventilateur".
Les visites périodiques des 100 h sont ramenées à 50 h, celles de 25 h à 5 h ; c'est donc quotidiennement ou presque qu'il faut faire une visite, en plus des contrôles avant et après les vols.
Aussi, pilote, mécanicien et aide-mécanicien ne comptent pas leur temps.
Le 7 novembre, deux évacuations sanitaires ont eu lieu le matin, l'appareil est rentré vers midi. Une visite de 25 heures est programmée en début d'après-midi, afin d'être prêt en cas d'urgence.
Les deux mécaniciens se mettent au travail, le pilote ayant volé toute la matinée prend un peu de repos. Il est 16 h 30. L'appareil est prêt, tout propre, tout fringant. Rémi voit l'appareil photo de DELESSE dans le filet du DJINN. "Pouvez-vous me prendre en photo", demande-t-il à celui-ci. Chose faite : deux clics, Rémi pourra envoyer ces photos à ses parents, lui qui, la veille encore, effectuait un vol avec KOEBERLÉ (photo n° 6).
Crash ...
La visite périodique des 25 h étant terminée, un vol d'essai doit être effectué.
Pilote et mécanicien montent dans l'appareil, se sanglent, coiffent leur casque radio.
Rémi, lui, se place devant l'appareil et veille au bon déroulement de la mise en route et du décollage. Toute anomalie, qu'il est en mesure de signaler, entraîne de nouvelles vérifications.
La turbine est mise en route, le rotor commence à tourner, tout semble normal. La turbine passe progressivement à 14 000 t/mn, puis 30 000 t/mn, le rotor à 250 t/mn, puis 300 t/mn ; Rémi se déplace légèrement vers la gauche de l'appareil.
34 000 t/mn turbine, 340 t/mn rotor, un peu de manche, le DJINN décolle du sol, s'élève de quelques mètres, se cabre légèrement pour partir en translation, et ... c'est le drame !
Dans la cabine, les deux occupants, ont ressenti une importante vibration qui a duré quelques secondes ; le DJINN s'écrase au sol, une violente explosion retentit, le rotor se détache, monte à quelques mètres, et retombe ... sur Rémi qui est projeté au sol. Il gît, inconscient.
Pilote et mécanicien ont eu leurs casques et coiffes radios arrachés par les masselottes qui ont labouré le cockpit. Instinctivement, ils débouclent leur ceinture, et s'éjectent hors de l'appareil.
Tout a été si rapide, si brutal, qu'ils sont là, hébétés, regardant leur mécanicien sans connaissance.
L'explosion a été entendue de loin. Les gendarmes arrivent en premier, appellent une ambulance et, aidés de quelques témoins militaires proches, évacuent Rémi sur l'infirmerie du Telagh. La base de Sidi-Bel-Abbès a été prévenue par la gendarmerie et envoie une BANANE pour l'évacuation. Rémi, qui a repris connaissance, trouvera le temps bien long ...
À l'Hôpital civil de Sidi-Bel-Abbès où Rémi est transporté, le diagnostic est sévère : éclatement du foie. Il faudra attendre plusieurs jours avant l'intervention chirurgicale et le séjour dans cet hôpital durera un mois, avant qu'il soit déplacé à l'hôpital militaire de Sidi-Bel-Abbès.
Cause de l'accident.
Dans tous les accidents aériens, les commissions d'enquête sont rapidement sur les lieux. Cependant, les chefs doivent veiller à ce qu’aucune pièce ou débris d'appareil ne soit déplacé, tout en interrogeant "à chaud" les témoins de l'accident.
Dans les heures qui suivent, en même temps qu'arrive la BANANE qui évacuera Rémi, un SIKORSKY amène cette commission d'enquête. Elle est constituée de spécialistes du Matériel. Parmi eux, un aspirant rappelé, qui travaille à Sud-Aviation et connaît bien ce type d'appareil, interroge DELESSE. Sa conclusion est rapide et sans appel :
- rupture du longeronnet ayant libéré les caissons.
Dans la description de l'appareil, nous avons dit que le mouvement du rotor était produit comme dans un arroseur d'eau : l'air sortant en bout de pale provoque une réaction qui fait tourner l'ensemble rotatif.
C’est simple, il fallait y penser. Nos ingénieurs de Sud-Aviation l'ont fait.
Dans notre cas, il y a eu rupture de longeronnet (9) à son extrémité. La pale est constituée de caissons enfilés sur ce longeronnet. Ces caissons, par la force centrifuge, ont été projetés dans un cercle de 50 à 100 m. On les retrouve à cette distance, tout autour de l'appareil.
La pale, déséquilibrée, a coupé le fuselage arrière du DJINN, le rotor s'est arraché, provoquant une explosion de genre sonique (l'air fourni par la turbine passant par un venturi sonique).
C'était le crash inévitable.
La commission a rendu son rapport. Mais la suite à donner est toujours longue. Il a fallu un autre accident, avec deux morts, pour qu'une modification importante soit apportée sur la structure des pales.
En attendant le résultat d'enquête, les vols sur DJINN ont été suspendus et l'équipage a été affecté à des missions sur avion.
Après le crash ...
Rémi, à l'Hôpital civil de Sidi-Bel-Abbès depuis un mois, se remet lentement de son opération et de ses émotions. Il est ensuite transféré à l'Hôpital militaire, toujours à Sidi-Bel-Abbès. Il y restera deux semaines. Son état étant relativement bon, les médecins décident de l'envoyer en convalescence dans sa famille, en Savoie. L’air y étant meilleur qu'en Algérie, les fêtes de Noël approchant, 45 jours avec les siens ne lui feront que du bien. Croyez-vous que Rémi a été réformé après toutes ces péripéties ? Eh bien, non ! Il lui fallu retourner à la base, refaire un mois à l'hôpital militaire, et être de nouveau affecté à la base ALAT au service habillement.
Libéré le 1er Juillet 1960, malgré son accident, il a fait ses 28 mois d'Algérie !
Revenu à la vie civile, il a repris son métier d'agriculteur, a pris sa pré-retraite à 55 ans. Marié, père 6 enfants et de deux petits-enfants, il profite à plein de sa retraite, entre toute sa famille, son jardin, son bois et sa vigne.
Photos d'accidents, dont celui du FR 102.