OPÉRATION LIMOUSIN
(Tchad)
Lorsque le Tchad accède à l'indépendance en 1960, l'Armée Nationale Tchadienne (ANT) embryonnaire et l'administration se montrent incapables d'assurer la continuité du pouvoir. Il est utile de rappeler que jusqu'en 1961, une notable partie du territoire tchadien, celle des nomades en particulier, était encore administrée par des militaires français. Mais en 1961, les premiers troubles éclatent au Logone en en 1963 à Fort Lamy.
En 1965, la France, en vertu des accords signés, évacue ses garnisons du Borkou, de l'Ennedi, du Tibesti, du Kanem et du Ouaddaï, y laissant ainsi un vide administratif. Après le départ des l'administration française du nord du Tchad, des troubles commencent à éclater dans la région, entre les Toubous nomades musulman, et l'administration tchadienne, appartenant en majorité à l'ethnie Sara originaire du sud. À partir de 1966, le Front de libération nationale du Tchad (FROLINAT) tente d'exploiter à des fins politiques le mécontentement général, alors que les réfugiés Toubous de Libye commencent à organiser la rébellion de l'extérieur. Ces troubles aboutissent en mars 1968 à la prise du poste d'Aouzou par les rebelles. En vertu des accords militaires passés entre les deux pays, le Tchad fait appel à la France pour dégager le poste d'Aouzou après l'échec de l'opération menée par l'Armée Nationale Tchadienne entre le 17 et le 24 août 1968. La première demande d’intervention est donc adressée à la France par le président TOMBALBAYE en août 1968. Dans ce contexte, le gouvernement français décide d'apporter initialement son soutien militaire, puis un soutien administratif, afin de régler globalement le problème tchadien. L'opération LIMOUSIN (voir aussi ce 2e lien) est mise sur pied le 08 août 1968 et se terminera en juillet 1972. C'est la première opération extérieure dans ce pays, depuis son indépendance. Le chef de la mission de réforme administrative et le général délégué militaire au Tchad sont mis en place en avril 1969. Tous deux sont des "anciens du Tchad", mais le climat se détériore rapidement et leurs rapports avec l'armée tchadienne sont tendus. À cet effet, l'État-major franco-tchadien (EMPT) est créé, avec à sa tête le général CORTADELLAS. Son chef d'état-major est le chef de bataillon DOMINIQUE. Son objectif principal est d'enrayer au plus vite la progression des rebelles et de réorganiser l'armée tchadienne, opérations menées par le compagnie parachutiste (CPIMa) du 6e RIAOM et un état-major tactique (EMT) du 2e REP, relevé en avril 1970 par un EMT de composition identique mis sur pied par le 3e RIMa et composé de jeunes engagés. L'ALAT y déploiera des PIPER PA-22 à partir d'avril 1969, appartenant au 1er groupement d'avions légers des troupes d'outre mer. Les ALOUETTE II opérant sur zone appartenaient à l'ALAT, mais étaient prêtées à l'armée de l'Air qui fournissait les équipages. Les H-34 appartenaient à l'armée de l'Air. Les opérations. À la fin de l'année 1970, la région du BET (Borkou-Ennedi-Tibesti) est la préoccupation première du commandement français. Cela débouche sur une opération d'envergure, du 11 janvier au 10 mars 1971, destinée à assainir cette région afin de faciliter le maintien de l'armée tchadienne après le retrait des forces françaises. Elle est dirigée par le colonel GAGNAUX, commandant le 6e RIAOM, qui dispose de plus d'un millier d'hommes et de renforcements supplémentaires, d'appui aérien et de moyens de commandement. En août 1971, les relations sont rompues entre le Tchad et la Libye, qui apporte son soutien aux rebelles. Le colonel KADHAFI reconnaît le FROLINAT le 17 septembre 1971. Il l'aide en lui fournissant de l'argent, des armes, un temps d'antenne à Radio Tripoli. De leur côté, les autorités du Soudan, qu'elles en aient ou non la volonté, sont incapables de contrôler les groupes dissidents tchadiens implantés chez elles. À l'automne 1971, les rebelles tchadiens reçoivent de Libye des armes que leur acheminent des caravanes qui longent la frontière franco-libyenne. Le trafic clandestin prend progressivement de l'ampleur. Le général délégué militaire du Tchad (DMT) estime qu'un millier d'armes, dont une centaine automatiques, ont déjà transité par cette voie. Elles alimentent les bandes du pays Moubi. Du 26 au 28 janvier 1972, le président POMPIDOU effectue une visite officielle au Tchad. Il affirme que l'intervention française a permis de rétablir l'autorité de l'État tchadien et qu'elle se poursuivra jusqu'à ce que les forces de Fort-Lamy soient en état d'agir seules. Début février 1972, une opération baptisée "LANGUEDOC", est décidée pour rechercher et détruire des bandes rebelles qui se regroupent pour commettre des exactions et qui se réfugient ensuite soit en pays Moubi, soit dans la bouche de Batha. L'adversaire représente une force estimée à 320 hommes, relativement bien armés (50 armes de guerre, dont 3 FM). C'est au cours de cette opération, lors de l'accrochage d'Am-Dagachi du 18 février 1972, que le lieutenant LAVAL-GILLY, l'adjudant DARTIGAUX et le commandant LE PULOCH trouveront la mort. L'accrochage d'Am-Dagachi. Du 6 au 18 février 1972, la CPIMa est lancée dans l'opération "Languedoc", aux ordres du chef de l'état-major franco-tchadien (EMFT), le lieutenant-colonel de TONQUEDEC, à la limite de Batha, du Salamat et du Guéra, sur l'itinéraire des bandes rebelles, qui rejoignent le pays Mouli. Elle est répartie sur une surface aussi vaste que possible, par équipe de six. Le 12 février, les unités franco-tchadiennes sont en place. Elles commencent à rechercher les traces des bandes. Le 14 février, la compagnie motorisée accroche un élément rebelle qui perd 7 tués et 1 prisonnier pendant que la compagnie parachutiste du 6e RIAOM tue 3 rebelles dans le Ouassaï Sabara. Le 18 février, à 10 h 00, une équipe de la CPIMa, commandée par le sergent BARCELO, surprend, au cours de sa fouille, à 3 km au sud-est du village d'Am-Dagachi, une bande à l'arrêt dans une palmeraie. Elle est fortement armée et escorte un convoi d'armes. Il s'agit d'un élément qui traverse le Ouaddaï pour distribuer à la bande de Bar Azoum et à celle de la région de Guera-Chari Baguirmi des armes venant de Libye par le Soudan. C'est un coup de chance extraordinaire, car ces bandes, qui se déplacent de nuit et ont souvent le soutien des populations locales, sont en général difficiles à localiser. Les six hommes du commando passent à l'attaque, à un contre cinquante, et par radio appellent à la rescousse des groupes voisins des 1er et 4e commandos des lieutenants SIMON et THOMANN. Surpris et traqués, les rebelles se défendent bien. Le commandant de l'opération fait intervenir de détachement d'intervention héliporté (DIH) qui comprend une ALOUETTE, un H-34 "Pirate" et des hélicoptères cargo. L'appui feu du "Pirate" est, comme toujours, très efficace. Mais les rebelles sont bien armés. Ils réagissent avec vigueur. Le "Pirate" touché doit se poser. Un cargo est endommagé. C'est alors le PA-22 TRIPACER, à bord duquel se trouve le chef de bataillon LE PULOCH qui, malgré la médiocrité de la liaison air-sol, sert à guider la manœuvre. L'appareil est piloté par l'adjudant DARTIGAUX et un observateur-pilote, le lieutenant LAVAL-GILLY, chef de l'élément ALAT de Mongo. Prenant des risques importants pour déceler les éléments ennemis et guider les tirs amis, l'appareil survole à très basse altitude la zone du combat malgré les tirs adverses et la végétation assez touffue dans cette zone. Soudain, l'avion s'écrase au sol. Les éléments les plus proches, à la tête desquels se trouve le capitaine Pierre JOURDAIN, commandant la CPIMa, se portent au plus vite sur la zone du crash. De la carcasse de l'appareil, on retire trois corps : le pilote et les deux officiers ont été tués instantanément. Ils ont rejoint les trente-six militaires français tombés au Tchad depuis le début de la rébellion. Les pertes de l'adversaire sont importantes : 49 tués, 7 prisonniers, 60 armes récupérées. Le 19 février, la poursuite de la bande sévèrement accrochée à Am-Dagachi commence. ....Mais le combat a désormais changé de dimension. Les bandes rebelles ne sont pas détruites et le FROLINAT bénéficie toujours d'un soutien libyen important. Les forces franco-tchadiennes parviennent cependant à ouvrir des itinéraires à la circulation et démontrent qu'aucune zone n'est hors d'atteinte de leur action. Parallèlement, l'intervention française a d'ores et déjà permis de rétablir l’autorité de l'État tchadien. L'EMFT est dissous et la présence française se réduit progressivement. Cependant, le désengagement en août 1972 ne sera que provisoire..... La France reviendra au Tchad, dans le cadre de nouvelles interventions... |